Théo CURIN n’accepte pas que sa vie ait basculé un jour. Dans ce contexte, la folie serait de ne pas faire de folies. Fidèle aux valeurs sportives, il cultive aussi la solidarité et l’écologie. Il nous parle de son départ au Pérou qui a tout du symbole : réussir son rêve en faisant un pied de nez à la différence. Pour le partage!

Vous êtes l’inspirateur d’un projet sportif auquel participent une médaillée olympique, Malia Metella, et un éco-aventurier, Matthieu Witvoet, pouvez-vous nous présenter brièvement ce défi?
TC. J’ai dû faire face à des soucis de classification dans le paralympisme en me retrouvant dans la même catégorie que des concurrents qui avaient leurs 2 mains, donc forcément ils étaient plus avantagés que moi, en attendant que ces problèmes soient résolus, je me suis dit que c’était une bonne idée de me lancer mon propre défi, où je définis mes règles et ce serait ma médaille à moi pour cette année.
J’ai donc décidé de partir sur un exploit sportif jamais réalisé jusqu’à aujourd’hui : la traversée du Lac Titicaca dans sa longueur. Je ne me lance jamais des défis seul, une des conditions de ce défi était donc de partager cette aventure, avec Malia et Matthieu, sur le lac navigable le plus haut du monde.
– Pourquoi avoir choisi le lac Titicaca comme théâtre de votre action ?
TC. J’avais envie de quelque chose de nouveau, un endroit dont on ne parle pas trop, il regroupait toutes les difficultés possibles : froid, distance et altitude. Il y a également un enjeu environnemental avec des populations locales qui souffrent. C’est un endroit qui m’excite beaucoup et que je découvrirai le jour du début du défi.
NDLR : Le lac se situe à 3800m d’altitude, l’eau est à 10 degrés et la traversée est de 122 kilomètres. ©La Lu Totale
– Au-delà de l’exploit sportif, pourquoi souhaitez-vous valoriser une action solidaire et écologique ?
TC. C’est un peu mon dada en ce moment (rires). Solidaire ? Je n’aime pas faire mes défis seul, il y aura toute une équipe derrière nous 3. Environnemental ? C’est venu avec le temps, je ne suis pas un expert en écologie et je ne le serais sûrement jamais, mais ça me touche, ma génération est de plus en plus engagée, on se rend compte du désastre qui affecte notre planète. Je peux aider les gens (population locale) tout en faisant un défi fun et je trouve cela fabuleux. Nous allons mettre en avant le côté écologique car le lac est de plus en plus pollué et la population locale en souffre.

– Quels sont les corps de métier qui vous accompagnent dans ce défi, de sa mise en place à sa réalisation ?
TC. C’est ce qui me rend le plus fier dans ce défi, ça partait d’une simple discussion avec mon agent (Anne Bayard), j’en avais ras le bol de ces problèmes de classification. On sera une dizaine autour de ce projet : ingénieur, diététicien, chef cuisinier, médecin, 2 coachs de natation, un préparateur physique, 2 chefs de projet. Il y a vraiment toute une équipe autour de nous.
– Les autorités locales sont-elles informées de votre projet ? Qu’en pensent-elles ?
TC. Evidemment, nous sommes en discussion avec les autorités du Pérou et de la Bolivie depuis un moment maintenant et notre projet est hyper attendu. Nous allons rester la plupart du temps du côté du Pérou. Les Péruviens sont très excités en vue de ce défi, ils se battaient même pour savoir quelle ville allait recevoir l’arrivée (rires). L’engouement de ce défi est assez dingue, ça va faire du bien à tout le monde.
– Vous souhaitez dans votre démarche convaincre les jeunes de votre message qui consiste « à croire en ses rêves ». Avez-vous d’autres messages à transmettre?
TC. “Croire en ses rêves” est un des messages qui me tient le plus à coeur, mais je veux aussi passer un message sur la “différence” au sens large, je ne veux pas qu’on associe Théo Curin à celui qui parle de handicap, je veux aussi dire que pour moi ça a été très difficile d’accepter mon nouveau schéma corporel, j’ai des cicatrices sur tout le corps, et pour autant aujourd’hui j’en suis fier de ce corps là, ça a pris du temps mais j’en suis fier. Si j’ai réussi à reprendre confiance en moi c’est absolument pas parce que je suis un super-héros mais parce qu’on a tous la capacité d’adaptation au fond de nous.
Reprenez confiance en vous, c’est dommage de complexer sur des différences qui peuvent devenir une particularité qu’on a par rapport aux autres.
– Vous avez mis entre parenthèses votre projet Paralympique pour réaliser ce challenge. Quels sont les obstacles et les soutiens que vous avez eu ?
TC. Ça a été assez particulier car le souci était au niveau international, et c’est très compliqué à ce niveau de changer les choses. Je perdais beaucoup d’énergie dans la réflexion pour me faire entendre, un combat compliqué duquel j’ai décidé de m’éloigner pour reprendre plaisir. Avoir du concret, me motive à nager tous les jours.

– Que vous apporte le Pacte de Performance dans votre démarche ?
TC. Le Pacte de Performance m’apporte de la confiance au quotidien, appartenir à une aussi grosse équipe est une fierté. Ce que j’aime aussi c’est qu’il n’y a pas de différences entre le paralympisme et l’olympisme, nous sommes tous des sportifs et nous sommes tous réunis dans la même team. C’est une sérénité financière également, c’est donc grâce à des pactes comme celui-ci et des entreprises comme le Groupe BPCE qui me soutient, qu’on arrive à réaliser nos rêves.
– A travers le Pacte de Performance, BPCE SA a renouvelé son accompagnement pour cette année de transition. Qu’est ce que cela vous inspire ?
TC. C’est ce que je trouve extraordinaire, on parlait de différences, et nous les Français on est les premiers à dire qu’on est limité, qu’on est vieux jeu, mais je pense que c’est important de souligner notre progression. Qui aurait pu dire il y a 10 ans qu’une aussi grosse boîte (Groupe BPCE) allait prendre le risque de prendre un mec qui n’a pas de bras pas de jambes dans sa team d’athlètes. Aujourd’hui, de plus en plus d’athlètes sont soutenus par des grandes entreprises comme celle-ci, les mentalités changent.
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Propos recueillis par Guillaume Le Bohellec et Jean-Bernard Paillisser