Lucie Ehrmann est une hockeyeuse sur gazon au profil atypique. Au delà d’être une grande championne, elle est motivée par l’envie d’aider les autres. Découvrez son interview, remplie de sincérité.
Présentez-vous :
Je m’appelle Lucie Ehrmann. J’ai 24 ans, je suis franco-américaine (mon père est américain). Je suis gardienne de but en hockey sur gazon pour l’équipe de France féminine depuis 2013 et je joue cette saison pour le club de Den Bosch Dames 1 aux Pays Bas. A côté j’aspire à devenir coach performance ou logo-thérapeute (une thérapeute qui apprend aux gens comment mieux penser), neuro-psychologue ou encore coach de vie / coach en santé mentale. Mais ces différents métiers se regroupent un peu.

Comment et pourquoi vous-êtes vous dirigée vers le hockey sur gazon ?
Pourquoi ? Pour la passion de ce sport que je trouve magnifique à voir et génial à pratiquer !
Comment ? J’ai découvert très tôt à l’école, grâce à des entraîneurs du club de SA Mérignac (Bordeaux) qui nous apprenaient. J’étais en CE1 ou CE2, j’avais 7 ou 8 ans. Je suis tout de suite tombée amoureuse de ce sport mais je faisais d’abord du tennis donc je n’ai pas démarré en club tout de suite. A 12 ans je me suis cassée le poignet et quand j’ai repris le sport j’avais envie de faire un sport collectif, alors je me suis naturellement tournée vers le hockey.
Quel est votre palmarès et quels sont vos objectifs sportifs ?
J’ai 2 titres de championne de France en club U16 (un avec SA Mérignac et un avec Villa Primrose -tous les deux à Bordeaux-), 1 titre de championne de France en hockey en salle U14 avec l’Aquitaine et 1 titre de Nationale 2 avec mon club Villa Primrose. 1 fois vice championne de France U16 et une fois 3ème. Avec l’équipe de France j’ai fini 4ème de coupe d’Europe A en 2013 avec les U18.
Puis j’ai fait une pause dans le hockey international et je suis revenue en 2017, on a fini 3ème d’une Hockey World League I ( c’est une compétition européenne, mais ce modèle n’existe plus) .
En 2019 j’ai fini 5ème de coupe d’Europe A U21 et j’ai été élue meilleure gardienne européenne.
En 2019 toujours, championne d’Europe C avec l’équipe de France et l’été dernier en 2021 : vice championne de coupe d’Europe B, ce qui était énorme car personne (sauf nous) n’aurait parié sur nous pour arriver en finale !
Cette année j’ai été vice-championne d’Europe avec mon club néerlandais, nous avons malheureusement perdu la finale.
Pourquoi avez-vous choisi de jouer à l’étranger ?
Parce que quand je suis revenue en équipe de France à 19 ans, au début je me comparais beaucoup à l’autre gardienne et cela m’affectait beaucoup. Du coup j’ai arrêté de me dire « je veux être meilleure qu’elle », et j’ai commencé ma quête pour « devenir la meilleure version de moi-même. ». Puis 2 ans après je jouais encore en France et je me suis dis « mon rêve c’est les Jeux Olympiques. Et tu veux être la meilleure version de toi-même. Donc pour devenir la meilleure version de moi je veux apprendre des meilleures, et les meilleures sont aux Pays Bas. Donc je vais postuler aux Pays Bas. »
Les Pays Bas sont la meilleure nation mondiale chez les filles depuis plus de 15 ans, alors c’était une évidence pour moi de postuler dans les clubs néerlandais. C’est ma 3ème saison aux Pays Bas et cette année j’ai été recrutée comme gardienne remplaçante (2ème gardienne) à Den Bosch Dames 1 qui est le meilleur club féminin du monde depuis 1998.
Aucune étrangère n’avait joué pour elles depuis 10 ans, c’est une immense fierté d’y avoir été recruté car c’est purement et simplement des années à travailler sans relâche qui ont payé. Je joue avec 7 filles championnes Olympique de Tokyo 2020, certaines ont fait 2, 3 voire 4 JO et ont 3 médailles d’or olympiques (2008, 2012, 2020) et vice championnes olympiques (2016), elles sont championnes du Monde , championnes d’Europe… certaines de mes coéquipières ont gagné tous les tournois qui existent au hockey sur gazon. Je voulais apprendre des meilleures mais je n’avais jamais osé rêver avoir l’opportunité d’un jour pouvoir m’assoir à la table de Den Bosch et de savoir que je fais partie de leur équipe. C’est un rêve éveillé tous les jours et je ne prends pas cette opportunité pour argent comptant. Avec Paris 2024 qui arrive très vite, m’entraîner avec ces joueuses me motive immensément à constamment repousser mes limites.
Vous menez un double projet sportif et professionnel, pouvez-vous nous en dire plus ?
Au hockey, pour faire un gros résumé, on ne gagne pas d’argent. Je joue dans le meilleur club du monde mais je ne suis pas rémunérée et l’équipe de France n’a pas les moyens de nous rémunérer non plus. Alors les doubles projets, ce n’est même pas une question c’est une obligation pour chaque hockeyeuse. D’un autre côté c’est aussi bien, car même si parfois on a la tête partout, et que ça crée du stress (les révisions ou les examens pendant les stages France ou même les compétitions avec l’équipe de France) c’est aussi bien d’avoir la tête ailleurs qu’au hockey pendant la journée et de continuer de se développer en tant que personne, qu’étudiante, et pas simplement en tant que sportive.
Cela fait 8 ans (depuis que j’ai 16 ans) que je m’auto-forme sur le pouvoir du cerveau et des pensées car je suis absolument passionnée de ces 2 sujets.
J’ai une licence en Philosophie que j’ai finie avant de partir aux Pays Bas. Puis depuis que je suis aux Pays Bas je fais mes études à distance. J’ai validé une formation en psychologie générale et à l’heure actuelle je suis une formation en développement personnel et coaching. Après cela, j’aimerais beaucoup suivre la formation à distance de l’université américaine de Chicago sur le fonctionnement du cerveau et en quoi son fonctionnement influence la manière dont on pense. Cela fait 2 ans que je coach des gens à distance et à l’avenir j’aimerais beaucoup faire des conférences, j’ai 3 projets de livres, travailler en coaching 1-1 et/ ou avec des équipes sportives ou des entreprises. Et pourquoi pas pleins d’autres choses, je suis ouverte à tout et j’ai très souvent des nouvelles idées de projets, je suis très passionnée et très travailleuse alors on verra de quoi l’avenir sera fait !
Comment faites-vous pour mener à bien ces 2 projets ?
J’avoue que parfois j’ai l’impression de courir partout. Surtout que depuis que j’ai démarré mon podcast que je fais toute seule. J’ai mes études à côté, mon travail à temps partiel, tous les entraînements et toutes les créations de contenu que je fais tous les jours sur mon compte Instagram (@happy_lucie_). Et je veux toujours m’entraîner + , créer + de contenu, mener tous mes projets à fond du coup parfois j’ai la tête partout et des pensées dans tous les sens.
Mais au final j’arrive toujours à m’organiser et à gérer l’ensemble. Après, tous les jours je me remémore que tout ce que je fais me passionne, que j’ai de la chance de vivre tout ca. J’aime me le remémorer car je ne prends rien pour acquis, car je ne veux pas oublier mes privilèges et je ne veux pas oublier pourquoi je fais tout ça. Je mets mon cœur dans tous mes ouvrages, dans toutes mes rencontres avec les gens ça me fait garder le sourire tous les jours, même si parfois c’est chargé j’aime tout ces projets !
Vous produisez également des podcasts et de la musique, qu’est ce qui vous motive à avoir ces nombreuses “casquettes” ?
Purement et simplement la motivation et la passion d’aider les gens. Ca peut paraître très bateau ou cliché mais c’est simplement ça. Quand j’étais adolescente j’ai eu des périodes très difficiles mentalement, et j’ai reçu beaucoup d’aide extérieur. Ca m’a beaucoup touché. Je suis portée par l’amour de l’entraide et par l’envie de rendre en retour toute l’aide que j’ai reçu, car on mérite tous de se sentir bien dans sa peau, d’être épanoui, d’être heureux. C’est vrai dans le sport mais dans la vie quotidienne également : ensemble, on est plus fort. Et je prône toujours ce slogan, pour moi l’entraide c’est primordial. Je ne fais rien pour briller moi personnellement, mon objectif c’est de partager mes connaissances avant d’aider les gens à ce que EUX, développent leurs capacités de faire briller leur lumière encore plus.
Fin avril je vais démarrer mes interviews : je vais interviewer des athlètes avec un gros palmarès sportif. Je vais appeler ca « be the best you, learn from the best » (sois la meilleure version de toi-même, apprends des meilleurs). Car c’est le slogan que je me suis créée pour m’inspirer moi quand je suis revenue en équipe de France à 18 ans.
Je vais poser aux athlètes des questions sur leurs moments difficiles, leurs doutes, leurs manques de confiance en eux, etc… Mon objectif est de démystifier l’idée que « les meilleurs réussissent parce que ce sont les meilleurs et qu’ils ont un parcours sans embuches et vont toujours très bien car ils sont les meilleurs ». Je veux inspirer les jeunes athlètes à continuer de travailler dur pour leurs rêves et de croire en eux car chaque champion était simplement un compétiteur lambda qui n’a jamais abandonné.
Et la musique c’est pareil. J’écris des chansons depuis que j’ai 10 ans et la musique m’aide énormément à vivre mes émotions. J’aime partager mes chansons car je me dis que, si moi elles m’aident et m’apaisent, peut-être qu’elles peuvent apaiser quelqu’un d’autre.
Tous les jours je me dis « je m’en fiche des likes, des vues, des chiffres. Si j’ai réussi à aider au moins une personne à se sentir mieux aujourd’hui, alors l’objectif est réussi. » C’est ça ma plus grande motivation : aider au moins une autre personne à se sentir mieux. Car on est plus fort, ensemble.
Propos recueillis par Guillaume Le Bohellec