L’interview de Brigitte Henriques, présidente du Comité National Olympique et Sportif Français

L’interview de Brigitte Henriques, présidente du Comité National Olympique et Sportif Français

Brigitte Henriques est devenue en juin 2021 la première femme élue à la Présidence du Comité National Olympique et Sportif Français. Elle accorde à la Fondation du Sport Français une interview exclusive.

De pratiquante de football à la Vice-Présidence de la FFF, vous avez occupé avec succès tous les postes qu’une sportive confirmée rêve d’exercer. Lequel avez-vous le plus apprécié ? 

Brigitte Henriques lors de son élection à la Présidence du Comité National Olympique et Sportif Français (Photo Philippe Millereau / KMSP)

Brigitte Henriques : Difficile question… Je privilégierais le souvenir de la petite fille de cinq ans qui joue au foot avec l’insouciance de son âge, même si ça n’a vraiment pas été facile d’intégrer un club dans les années 80… Donc, jusqu’à la fin de mes jours, le plaisir de jouer au football demeurera ce qui me procure le plus de joie. Cependant, je ne vais pas oublier le fait d’avoir réalisé deux rêves à la Fédération française de football : celui de voir le nombre de licenciées passer de 50.000 à 218.000 et d’être parvenue à faire de la France une nation de référence au niveau du développement du football féminin. Et puis bien sûr, d’avoir organisé, en France, la Coupe du monde en 2019 : un autre rêve exhaussé ! Être dirigeante, ce sont des responsabilités mais aussi de grandes satisfactions lorsque l’on parvient à faire bouger les choses et à emmener l’ensemble des acteurs avec soi.

Lors de votre élection, vous avez déclaré, « Je serai là pour porter la voix du sport français ». Concrètement que signifie cette promesse pour le sport féminin ?

B.H. : Tout d’abord, il s’agissait, en moins d’un an, d’être capable de mobiliser et de concerter l’ensemble des 108 fédérations et membres du CNOSF, notamment en ces temps difficiles de crise sanitaire, et d’échanger avec les acteurs des territoires qui donnent de l’écho et de la densité à toutes nos actions. Nouer des relations de proximité avec tous les représentants du mouvement sportif français, afin de porter avec justesse leurs attentes et leurs besoins. Et puis, concernant spécifiquement le sport féminin, faire en sorte que les fédérations puissent davantage structurer cette pratique, à la fois au niveau de leur DTN et de leur projet de développement. En clair, Il fallait enclencher la première vitesse, que les fédérations ressentent une impulsion politique. Mettre en place des actions de développement concrètes, notamment dans le cadre de l’accompagnement des fédérations qui ont le plus besoin, en déployant des plans de féminisation. Organiser des échanges et des retours d’expérience entre fédérations, entre celles qui sont pionnières sur ces programmes et les autres, afin de tendre progressivement vers la professionnalisation du sport féminin. C’est aussi grâce à des performances plus nombreuses que nous contribuerons à une plus grande médiatisation, au rayonnement du sport féminin dans son ensemble, et que nous stimulerons l’investissement du monde de l’entreprise pour aller plus loin encore. 

La Fondation du sport français avec ces différents dispositifs, constitue un outil précieux pour le sport de haut niveau et le sport amateur. Qu’en pensez-vous ? 

B.H. : La Fondation du sport français a été créée par le CNOSF et constitue donc un véritable levier pour le sport de haut niveau, avec notamment le Pacte de performance mais également pour le développement de la pratique amateure comme en témoigne la mise en place, lors de la crise sanitaire, de l’opération solidaire de dons « Soutiens ton club » ! Le CNOSF va donc continuer de développer ces outils avec la Fondation du sport français. 

Vous parlez souvent du collectif, vous souhaitez vous investir la Fondation du sport français ? Quelle sera la nature de votre engagement ? 

B.H. : Oui, il est important que l’ensemble des acteurs soit en phase. L’union sacrée que nous avons démontrée en organisant avec huit têtes de réseau du sport français la Séquence Sport de la Présidentielle 2022, le 17 mars dernier, au CNOSF, en est une belle illustration. Il est nécessaire de pouvoir compter sur l’ensemble des acteurs, notamment avec l’échéance de l’Héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, mais aussi dans la réaffirmation de la fonction sociale et sociétale du sport dans notre pays.

Vous êtes la première femme présidente du CNOSF. Un symbole sociétal, une avancée ?

B.H. : Effectivement, c’est une avancée, mais pas seulement… C’est aussi une immense responsabilité à la mesure du symbole ; il faut être à la hauteur de la fonction qui est la mienne aujourd’hui, afin que l’on parle davantage de mes compétences et du bilan de mon équipe que du fait que je sois une femme. Mais il est clair que je dédie cette élection à toutes les femmes, parce qu’elles doivent oser passer de numéro deux à numéro un. Et puis, j’ai été élue par 108 fédérations dont une très grande majorité est présidée par des hommes, c’est donc symboliquement quelque chose de fort. Je suis très reconnaissante de la confiance qui m’a été accordée.

Quel message adressez-vous au monde sportif en matière d’accessibilité et de performance ? 

B.H. : Nous fédérons aujourd’hui 17 millions de licenciés. Nous pouvons aller plus loin et permettre à nos 150 000 clubs d’accueillir davantage de pratiquants. L’accessibilité doit notamment passer par le fait d’être capable de proposer dans les clubs fédérés, à la fois une pratique loisir mais également des compétitions. Il nous faut aider les clubs à opérer cette évolution de leur l’offre et le CNOSF les accompagnera dans cette mutation. Quant à la performance, c’est notamment de l’ordre de la responsabilité de Claude Onesta, manager général de la Haute Performance à l’Agence Nationale du Sport (ANS). Notre ambition est donc de contribuer à ce que le déploiement du plan Ambition Bleue de l’ANS puisse être le plus fluide possible, notamment politiquement. 

Les Jeux Olympiques et Paralympiques approchent à grand pas. Que diriez-vous aux entreprises qui hésitent à sauter le pas pour soutenir concrètement nos sportifs tricolores ? 

B.H. : Je leur dis que cela fait 100 ans que nous attendons le retour des Jeux et des Jeux Olympiques et Paralympiques en France ! J’ajoute que nos athlètes sont de véritables modèles et des sources d’inspiration pour notre jeunesse et pour la Nation entière. Enfin, je leur réaffirme que c’est vraiment le moment de nous rejoindre ! D’autant que les conditions d’entrainement et de pratique des athlètes de haut niveau sont totalement hétérogènes. Il est donc nécessaire de pouvoir compter sur le soutien du monde de l’entreprise. Il est important de le savoir aux côtés de nos athlètes afin d’optimiser la réussite des Jeux de Paris 2024 et de partager ensemble ce moment qui sera exceptionnel. 

Les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver sont désormais terminés. Quel bilan dressez-vous de nos tricolores ? Comment faire pour que les sports d’hiver et d’été soient le même pied d’égalité en matière de financements privés ? 


B.H. : Bravo à Marie-Amélie Le Fur et à l’équipe de France qui termine à la quatrième place des Jeux Paralympiques avec de très belles médailles. Quant aux quatorze médailles olympiques, elles égalent pratiquement le record réalisé à PyeongChang, en 2018. A Pékin, Quentin Fillon-Maillet a été extraordinaire, Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron ont obtenu la consécration olympique, Clément Noël était au rendez-vous, tout comme Justine Braisaz-Bouchet… Et j’ai aussi apprécié ce formidable esprit d’équipe. Donc, je dirais un bilan positif pour les Jeux Olympiques et excellent pour les Jeux Paralympiques. Enfin, je pense que pour que les sports d’hiver et d’été soient sur un même pied d’égalité, il faut poursuivre dans la voie que nous avons ouverte. Nous devons continuer à installer l’idée et l’image d’une équipe de France unie comme ce fut le cas, notamment, au moment du dévoilement de son emblème avec notre nouvel équipementier. Ne pas faire de différence entre les athlètes paralympiques, olympiques, d’hiver et d’été, afin de consolider les liens entre eux et donner à tous les membres de l’équipe de France la même visibilité en entretenant la promesse de beaux événements à partager.

Propos recueillis par Guillaume Le Bohellec

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