Si le mot engagement a un sens, le parcours d’Edwige AVICE, Présidente d’honneur de la Fondation du Sport Français le personnifie pleinement. L’entretien qu’elle accorde à notre Lettre passe en revue toutes les thématiques qui ont construit le sport français, ces dernières décennies. Evolutions institutionnelles, décentralisation, regard nouveau des entreprises porté sur le sport de haut niveau, valeurs du sport ont permis d’exporter le modèle sportif français. L’examen d’Edwige AVICE de ces évolutions qu’elle encourage par ailleurs, emporte l’adhésion.

Vous avez occupé les postes les plus exposés en étant tour à tour Ministre des sports, Présidente du CNAPS (Conseil national des activités physiques et sportives), Présidente de la Fondation du Sport Français. Quel regard portez-vous sur l’évolution du sport en France ?
Le sport n’est pas indépendant de l’évolution de la société : il évolue avec elle. La décentralisation, l’importance de plus en plus grande de la société civile, la question environnementale ont impacté le sport, tout comme au plan sociétal, la lutte contre les incivilités, contre la violence et le dopage. Je ne suis pas passéiste car chaque époque peut apporter son lot de progrès.
La France, selon vous, est-elle une nation sportive dans les faits et dans les esprits ?
Elle l’est de plus en plus .on l’a vu aux derniers JO.pas seulement dans le nombre de médailles et dans le rang final mais aussi dans la diversité des disciplines couronnées.
Dans les esprits, le sport s’est aussi de plus en plus souvent identifié à une démarche de santé, de qualité et de durée de vie, et de socialisation. On l’a vu notamment dans les efforts faits en faveur du sport féminin, dans les politiques de quartiers, et dans le développement par les fédérations et associations du sport pour les personnes non valides.
La Fondation du Sport Français vous a mobilisée pendant des années, vous en êtes d’ailleurs Présidente d’Honneur. Quelles leçons tirez-vous de cette expérience ?
Pendant plus de 10 ans, j’ai mené une riche expérience, devant construire l’outil et le rendre opérationnel avec un objectif au cœur du projet : l’innovation sociale avec et par le sport .Avec mon équipe, nous avons monté des opérations concrètes partout en métropole et outre-mer et travaillé avec des partenaires multiples, au titre desquels les collectivités locales et le monde associatif au sens large, sans oublier les entreprises.
J’y ai trouvé deux enseignements principaux.
. Ce qui est réconfortant c’est de mesurer cette capacité de générosité et d’inventivité dont les citoyens sont capables.
. Puis j’ai éprouvé moi-même en 10 ans de bénévolat complet ce que représente la valeur de l’engagement surtout quand il s’agit de tirer vers le haut des jeunes et des moins jeunes en prenant le sport comme vecteur .On se sent utile vraiment quand on est capable de provoquer des avancées.
Quelles furent les étapes essentielles de la construction de la Fondation du Sport Français ?
Il y en a eu 3 principales :tout d’abord le montage de projets avec des partenaires de toute origine et ne venant pas forcément du monde du sport proprement dit…Puis « l’abritance » d’autres fondations qui pouvaient démultiplier l’action, enfin, à travers le Pacte de la performance, l’intervention orchestrée des entreprises que la nouvelle équipe de la Fondation, sous l’impulsion de Thierry Braillard, mon successeur entend promouvoir et développer.
En quoi selon vous l’entreprise et le sport de haut niveau peuvent converger ?
L’entreprise valorise le dynamisme, la performance, la solidité, réussit par l’excellence de ses salariés et la qualité de son organisation.
La grande majorité des SHN incarnent ces valeurs car ils consacrent une grande partie de leur vie à l’entrainement en vue de se dépasser et d’aller le plus loin possible.Ils savent aussi dominer l’échec pour en tirer les leçons et revenir meilleurs encore. Ils sont dynamiques et incarnent la santé physique et morale.
Ils sont donc des exemples à tous niveaux pour l’organisation.
Quelles sont les valeurs du sport d’aujourd’hui auxquelles vous êtes restée sensible?
Altius, citius, fortius : la devise olympique me parle encore. J’ajouterai un quatrième terme : la solidarité.
Paris 2024 constitue un pari international d’envergure pour notre pays. Sur quels principes faut-il s’appuyer pour réussir pleinement cet événement?
L’évènement est prestigieux mais de courte durée et je pense qu’il doit être un engrenage vertueux, avant et après avec les politiques sportives en faveur du plus grand nombre. Il ne faut pas sous-estimer ce que l’on appelle l’héritage. C’est à dire le résultat d’un grand mouvement en faveur de l’innovation sociale, sous de nombreux aspects : habitat, mobilités, environnement et surtout retombées en faveur d’autres villes et des quartiers où de nombreux jeunes attendent des équipements, des éducateurs sportifs et même des métiers du sport. Les JO sont un catalyseur de modernité et de progrès et doivent entraîner et laisser des traces durables.
L’aide (quelle que soit sa forme) aux sportifs de haut niveau est-elle déterminante dans une carrière sportive ?
Dès la loi de 1984 que j’avais présentée au Parlement, je l’avais envisagée. On ne doit pas pénaliser ceux qui s’engagent dans les plus hautes compétitions en les privant de formation et à terme d’emploi. Pour quelques sportifs assurés de leur avenir, parce que leurs sports attirent les sponsors, beaucoup d’autres qui intéressent moins les médias, ne peuvent compter que sur eux-mêmes et sont souvent contraints de choisir entre la compétition et un projet de vie plus garanti. Les entreprises elles mêmes en ont pris conscience, veulent une plus grande diversité dans les talents accompagnés et développent leur mécénat. C’est ce à quoi correspond le pacte de la performance qu’abrite la Fondation du Sport.
Propos recueillis pas Jean-Bernard Paillisser
Le Pacte de Performance en bref …
Le Pacte de performance est un dispositif de la Fondation du sport français qui permet aux entreprises de devenir mécènes de sportifs de haut niveau français, engagés dans un double projet sportif et professionnel. L’objectif est double : apporter un financement annuel de l’ordre de 23 000€ à un sportif de haut niveau, et accompagner la découverte du monde de l’entreprise pour faciliter l’insertion professionnelle en fin de carrière.